L’éducation des enfants

J’ai été élevée par une mère qui a mis beaucoup d’énergie dans mon éducation. Depuis le début, elle a mis des règles strictes et a réussi à s’occuper de moi énormément tout en se gardant des espaces à elle: par exemple, quand j’avais 3 mois, ma mère est partie 3 semaines en Sardaigne avec mon père en me laissant 1 semaine et demie chez mes grand-parents paternels et 1 semaine et demie chez ses parents à elle.

Ma vie était très réglée, couchée à 8 heures du soir pendant toute mon enfance et le début de mon adolescence, je mangeais seule avant mes parents qui eux dînaient plus tard. Ma mère me réveillait le matin, une souffrance pour moi qui adorais dormir, mais même en vacances elle pensait qu’il y avait des choses à faire – et de belles choses, parce que cette sévérité apparente etait très bien balancée par des activités choisies pour me faire plaisir.

Pendant l’année scolaire, mes activités étaient choisies par elle et je n’avais pas trop le droit de m’y opposer. J’avais donc cours de français 2 fois par semaine (j’étais à l’époque à l’école italienne) , cours de GRS, complétés plus tard par les cours d’allemand et de latin (l’allemand, langue de Goethe, et langue difficile avec les déclinaisons, ma mère trouvait que c’était bon d’apprendre à réfléchir, je suppose, et cela allait bien avec le latin); le latin, c’était pour me préparer aux nombreuses heures de cette matière que j’aurais eues à l’école par la suite, mais que pour finir je n’ai pas eues parce que je suis arrivée au lycée français. Et puis, le tennis, que je n’aimais pas, à l’époque, mais que j’ai aussi par la suite imposé à mes filles pour son côté social que je trouvais important. 

Petite, aussi, je ne choisissais pas mes vêtements. Ma mère avait son idée, un peu bourgeoise italienne, sur ce qu’il fallait porter: et c’était donc petite jupe écossaise, chemisier blanc avec petit col et gilet bleu marine. Je crois que je rêvais de rose et de paillettes et de tout ce que ma mère trouvait « vulgaire », je crois que j’ai beaucoup pleuré le matin, beaucoup de matins, et pourtant comment je la comprend ma mère maintenant.. Je ne fais pas comme elle avec mes enfants, mais je sais que cette rigueur qu’elle avait, rigueur qu’elle savait casser quand il le fallait (quand elle me permettait par exemple de na pas aller à l’école le samedi matin, parce qu’on allait à la montagne – ce qui arrivait très très souvent), me manque. Je sais que je tends vers elle. Que je suis toujours un peu frustrée de ne pas y arriver.

Et puis il y avait la nourriture. Souvenirs de très bonnes choses, que ma mère me préparait, que ma grand-tante faisait préparer pour moi par sa cuisinière (autre époque!), et aussi souvenirs de tout ce qu’on m’obligeait à avaler parce que c’était bon pour moi. Les courgettes, c’est ce dont je me souviens: à la mer, dans l’appartement de mes grand-parents à Sestri Levante, près de Gênes. Ces courgettes qu’on mettait de côté pour moi pour le lendemain si je ne les mangeais pas. Ma mère assise devant moi avec la fourchette en main et la courgette, recouverte de sauce de tomates fraîches pour m’aider à les avaler. Le fois de veau aussi, presque pire que la courgette. Et bien évidemment jamais de Nutella, Mars ou Coca-Cola et autres choses que je voyais à l’école dans la cour de récré, que je regardais avec envie et qui étaient strictement interdites chez moi. Ma mère regardait les ingrédients de toutes ces choses, et puis disait « non ». Je pense qu’elle considérait presque une faute de goût que de se nourrir de ce genre de choses, d’autoriser ses enfants à le faire, je lui en ai tellement voulu et je lui en suis tellement reconnaissante maintenant. 

La même faute de goût qui aurait été autoriser ses enfants à regarder la télé, sauf à certains moments de la semaine, quelques minutes, pour une émission précise. Je me souviens encore de ma cousine, qui avait presque le même âge que moi, et qui avait été invitée à dormir chez une camarade de classe; qui était revenue avec cette histoire incroyable à nous raconter: que ces gens regardaient la télé le matin!

Il y avait aussi les choses qu’on faisait, les choses qu’on ne faisait pas. Je m’insurgeais contre ces règles strictes, mais je les respectais malgré tout. On disait « bonjour Madame » et on ne parlait aux adultes qui si on nous posait une question. On ne disait pas « bon appétit » à table, on se tenait droit les coudes bien serrés le long du corps, les deux mains sur la table, on ne se levait bien évidemment jamais de table, surtout pas au restaurant, d’ailleurs au restaurant on n’y allait pas souvent, un enfant n’avait rien à y faire, quand il pouvait être gentiment couché à la maison à 8 heures du soir.

J’ai eu 4 enfants, je n’ai pas été la même maman pour chacun, je pense qu’à chaque période de ma vie a correspondu une façon de les élever. Avec l’âge, et avec mon dernier petit, je me rapproche de plus en plus du souvenir que j’ai de l’éducation de ma mère. L’ordre, la rigueur, la sobriété de certains choix, les règles qui m’ont fait grincer des dents et dont le souvenir m’est doux maintenant.

J’ai une telle nostalgie par moments de cette mère-là, une telle tendresse pour la femme qu’elle a été à 30, 35, 40 ans et pour tout ce qu’elle s’est efforcée de m’apprendre, les bases de la vie peut-être, contre lesquelles je me suis battue, j’ai pleuré de rage, et qui font tellement sens pour moi maintenant. En partie, bien sûr.

Il faudra que je le lui dise un jour.

Et vous, comment avez-vous été élevés? Et comment faites-vous avec vos enfants? Je vous raconterai comment je fais avec les miens la prochaine fois. 

2 thoughts on “L’éducation des enfants

  1. j’adore ton article, c’est un trésor… vraiment, je ne sais pas pourquoi il me fait cet effet là. Une pépite. Dans un genre un peu similaire, je n’ai jamais eu le droit de me percer les oreilles, c’était vulgaire, point. J’en ai tellement voulu à ma mère, surtout qu’à l’époque les clips étaient inexistants. Et me voilà à répondre la même chose à ma fille, je vois le ressentiment dans ses yeux à elle aussi… et pourtant je sens bien que mon argument est plus vacillant que celui de ma maman. En plus son père à dit oui. J’ai l’impression de trahir ma mère

  2. Opio! moi non plus les oreilles bien sûr! et aussi parce que c’était vulgaire, comme d’ailleurs les barrettes à cheveux trop colorées, moi uniquement les toutes simples pinces dorées (j’étais très blonde à l’époque). et moi aussi j’ai du mal ici avec le père qui a eu une éducation complètement différente, qui trouve qu’on peut tout faire.
    merci pour ton commentaire, ça me fait tellement plaisir, moi qui trouve que ce qu’écrivent les VRAIES blogueuses (comme toi) est tellement mieux. j’ai envoyé tous tes articles sur le vietnam à une amie qui y est en ce moment. je le redis: j’adore te lire! elle a beaucoup aimé aussi. bisous

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