Ma mère

« Amor ch’a nullo amato amar perdona », j’écoutais ça dans la voiture en rentrant de Waterloo.

J’ai été au yoga, un cours que j’aime du dimanche soir, et en rentrant par cette longue chaussée qui n’en finit pas le dimanche, j’ai mis sur haut parleur Roberto Benigni qui dit ce chant, le cinquième de l’enfer de la Divine Comédie, celui qui raconte l’histoire de Paolo et Francesca

C’est une phrase très connue, celle que je cite, qui plaît aussi beaucoup, parce qu’elle est forte et parle d’amour. Lue par Benigni, avec son bel accent toscan, et après qu’il l’ait expliquée – elle me réconcilie avec la beauté des choses. Elle parle de cet amour si fort, qui ne « pardonne pas », dans le sens où il ne laisse pas à l’être aimé de vrai amour la possibilité de ne pas aimer en retour. Ne laisse à Francesca aucun choix, bien qu’elle soit mariée. Elle ne peut qu’aimer Paolo, le frère de son mari.

Mais au milieu de tout cela, je pense à ma mère. Entre chacune des salutations au soleil, entre chaque respiration, je pense à elle.

Je dis toujours ma mère, et ce soir je me surprenais à penser ma maman.

Elle m’a toujours préservée de tout. Elle a vécu sa maladie sans rien me montrer, ou si peu, jusqu’à l’été dernier, où de sa voix faible elle m’a dit « tu peux venir, s’il te plaît? », et où j’ai décidé d’attendre encore un jour, même si elle me disait, tu ne peux pas venir avant, un jour pour moi quand elle m’attendait, et encore maintenant je m’en veux.

Elle m’a préservée de tout jusqu’au moment – maintenant – où elle-même ne sait plus ce qu’elle fait. J’entends sa voix. Elle me parle mais ce n’est plus elle. Ce qu’elle dit n’a plus aucun sens.

C’est comme si déjà, elle n’était plus là. Et toutes ces années difficiles, de souffrance et de maladie, tout ce qu’elle me cachait mais que je savais, devinais, comprenais: tout me semble trop maintenant. J’ai choqué S. en le lui disant, tout à l’heure, je pense. J’ai dit, je voudrais que ça aille vite. On a le droit de dire ça? Je ne sais pas. Je ne sais pas.

Dans ces moments où je perds pied, où j’ai l’impression de tomber dans le vide – je pense à ceux qui sont là pour moi. C’est mon défaut: je compte. Une autre fois dans ma vie, j’ai eu besoin de tous mes amis et j’ai par la suite compté tous ceux qui avaient été là.

Mais vous êtes tous là: A. et S., et S., et N., et C. Et tous les autres.

Vous savez ce qui est étrange, difficile, déstabilisant? C’est de penser: après ça, après ma mère, il n’y aura plus que moi. Moi toute seule. Moi. Et à moi de jouer.

Mais avec la force que vous me donnez, et F. qui m’écrit d’Italie, et S. encore (tout le monde s’appelle donc S.?), je me réveillerai demain et je commencerai une autre semaine, avec toute l’énergie que j’ai, avec celle que me donnent mes amis et toutes les belles personnes avec qui j’ai la chance de travailler.

J’irai en Italie un de ces jours, il le faudra, mais pas encore.

Bonne semaine les amis, et à vous tous qui êtes là: merci. Merci. Je vous aime.

 

One thought on “Ma mère

  1. Oui on a le droit de dire ça…. parce que voir sa mère souffrir, il n’y a rien de pire. Pour elle et pour soi. Je suis passée par là et j’en ai auSsi choqué plus d’un, mais je ne le disais pas pour moi, mais pour elle. Elle qui a toujours été fière et courageuse, qui ne s’est jamais plainte, alors qu’elle a eu une vie que personne ne voudrait…. elle qui m’a tout donné et même plus, elle qui disait :  » mourir la belle affaire , mais vieillir … » je détestais quand elle disait ça, mais à la fin, j’ai compris, même si c’est horriblement dur, oui, tu peux dire ça…. courage…..

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