Peur

Cette pose est très intense. Je n’arrive à la faire qu’avec Jean Claude, qui est mon prof depuis 6 ans et à qui je fais entièrement confiance. On ne dirait pas, comme ça, mais c’est très difficile de toucher ses pieds avec ses mains, il faut une ouverture du dos, et du coeur, qui n’est pas donnée à tout le monde, et qui ne m’est pas donnée à moi, comme ça, de prime abord. C’est du yoga et pas de la gym: ces poses touchent à quelque chose d’intime qui est difficile à expliquer mais qui est profond. Je ne respire presque pas – j’ai du mal à respirer dans toutes les poses qui demandent une ouverture. Il y a mille interprétations pour ça: et tout est vrai et rien ne l’est. Cela n’a pas beaucoup d’importance, puisque le travail sur soi du yoga, c’est ça aussi: se laisser aller aux sensations sans trop les intellectualiser. Du moins je le pense. Du moins je le vois comme ça.

Ce qui est vrai, c’est que peu à peu, et tout doucement, avec des hauts et des bas, en allant plus loin et puis en revenant en arrière: je me retrouve. Je me connais un peu plus. Je souffre un peu  – pas physiquement, non, mon corps est fait pour ça, je souffre dans l’âme et puis tout à coup je me retrouve sans m’y attendre vraiment dans un territoire de bonheur intense. Ou plutôt, quelque part où tout ce qui m’entoure prend une plus belle couleur, un certain éclat, qui me donne envie de dire: merci. Merci la vie. Ma vie qui me donne tellement de plaisirs.

J’écris ici en sachant que si je ne partage pas sur Facebook, plus personne ne lit – c’est une tristesse et une liberté en même temps. C’est aussi une façon de travailler sur moi et plus son mon ego.

Au début de chaque pratique, je mets une intention. Jean-Claude ne nous en parle jamais, de l’intention, mais je l’avais évoquée avec lui l’année dernière en Grèce et il m’avait expliqué à quel moment la placer. L’intention, ce n’est pas juste un souhait, un voeux: c’est par une sorte de prière du corps pendant la pratique qu’on tend vers elle. Et comme la pratique est intense et difficile, l’intention passe aussi par cette difficulté. Ce qui signifie pour moi: il ne suffit pas de vouloir, il faut un long travail – du corps mais aussi de l’esprit – pour atteindre ce que l’on désire.

Depuis un an, mon intention est la même. Je la répète à la fin de chaque prière du début de la séance, j’y reviens quand j’ai du mal, j’y reviens aussi dans les moments fluides de bonheur.

Mais ce soir, mon intention est différente. Mon amie est malade – mon amie qui est la personne la plus exceptionnelle que je connaisse. Je pratique en pensant à elle. Je pratique, quelque part, pour elle. Et si un Dieu existe, quelque part, quelqu’un ou quelque chose au dessus de nous, il m’écoutera.

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