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Cette vieille photo se trouve à la montagne, dans l’appartement de mon père – qui était le mien, quand j’étais petite, qui était surtout celui de ma mère, qu’elle aimait plus que tout; enfin, pas l’appartement mais l’endroit un peu sauvage, loin des pistes de ski et proche de tous les petits villages de montagne où elle aimait se promener.

Aujourd’hui, je n’y vais plus – pas là, du moins, mais juste à côté dans une autre maison, maintenant que j’ai enfin décidé, enfin réussi, à me détacher de tout cela et à le laisser derrière. Je n’irai plus et je ne demanderai plus, et la seule chose qui est difficile c’est de savoir que mon père, lui, ne comprend pas.

Presque un an déjà depuis la mort de ma mère. Il y a eu l’enterrement et il y eu les quelques jours après que j’ai passé à vider son appartement avec Bianca. C’était déchirant de retrouver toutes les lettres, toutes les photos, de les regarder de les lire ensemble, de pleurer et puis de rire – parce qu’elle était si drôle, aussi, ma mère, à sa façon. Avec son cynisme et sa dureté, et son sens des mots.

Aujourd’hui je repense à ces quelques journées passées avec Bianca dans cet appartement triste et vide, et une chose me frappe: je n’ai rien trouvé d’inattendu. J’ai lu des lettres, des échanges par mail, j’ai trouvé des images – je connaissais tout, j’étais au courant de tout. Les états d’âme de ma mère n’avaient pas de secrets pour moi. Ni bien ni pas bien, c’est comme ça. Pas de secrets.

Une seule chose que je n’ai pas lue: les lettres de mon père. Je les ai prises et je les lui ai rendues, sans savoir ce qu’il en ferait. Lire tout ça, je ne pouvais pas et je ne voulais pas. Mais quelle tendresse, quelle mélancolie, de savoir qu’elle les avait gardées toutes ces années. Certaines remontaient à leur 20 ans, j’ai vu les dates mais pas les mots.

Après, il y a eu l’histoire des cendres – aller les chercher, les apporter au petit cimetière de montagne près de son mari. Ma cousine adorée m’a accompagnée et Jean Frédéric nous attendait là-bas – journée douce, au fond, avec un beau soleil des Alpes.

Puis il y a eu la pierre tombale, mise sans moi, mais j’étais déjà tellement triste à ce moment là: parce que je n’ai plus écrit, mais l’hiver dernier a été long et difficile, et elle m’a manqué tellement fort que je n’arrivais plus à rien faire. Alors cette pierre tombale, Jean Frédéric l’a commandée et fait mettre pour moi, lui qui n’avait jamais vu ma mère, et je n’y suis pas retournée depuis bien que je sois passée à côté plusieurs fois.

Cette fois-ci encore, je passerai à côté, et je n’irai peut-être pas parce que Bianca encore une fois ne sera pas avec nous, et qu’elle m’avait demandé d’y aller avec elle. Mais nous irons un jours, quand nous serons tous prêts, nous irons ensemble. Et j’entendrai ma mère me dire, mais non, qu’est-ce que tu fais, allez ailleurs, amène les enfants dans un bel endroit. Parce qu’elle était comme ça.

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